Les chroniques de Saint-Raphaël et Saint-Charles
Saint Charles entre en guerre.
A la déclaration de guerre en septembre 1939, l’école servit de centre de mobilisation pour un bataillon du 318ème pendant une dizaine de jours. A peine la troupe partie, le Colonel-Médecin Descomps s’en vient réquisitionner l’établissement comme hôpital militaire. Cette réquisition était prévue, car dès 1934, les demandes avaient été faites auprès de Mgr Cogneau et du directeur ; on faisait appel pour cela à leurs sentiments patriotiques. La réponse avait été qu’on voulait bien faire son devoir de Français, mais « qu’il ne pourrait être question que d’une installation restreinte, devant nécessairement permettre à l’école de continuer à fonctionner ». Car sur ce point, on connaissait déjà l’expérience de 1914. Le directeur se permit de rappeler cette condition au colonel Descomps, qui répondit brutalement qu’il n’avait pas à rentrer dans ces considérations et qu’on pouvait s’estimer heureux qu’il laissât o la disposition de l’école quelques réduits dont il n’avait pas besoin.
Le nombre des élèves annoncés était de 120. Pour les caser, l’école fut scindée en deux.. Une partie resta à Kerfeunteun sous la Direction de M. Marzin, les cours ayant lieu à Saint Charles, les internes logeant dans une pièce aménagée au dessus de la cidrerie de Mme Clech ; une autre partie s’installa à Plogonnec sous la direction de M. Kerbiriou, jusqu’à ce qu’il soit mobilisé en avril 1940.
En septembre, le recteur de Plogonnec « suggéra » à M. Paul, directeur intérimaire, mieux connu sous le nom de « Youenn Baol » (qui fut par la suite recteur de Saint-Jean-Trolimon), de déménager. Rentré à Kerfeunteun, il s’installa comme il le put. Outre les classes, il fallait loger plus de 50 pensionnaires. S’étant vu refuser un dortoir vide par« ces grandes dames de Saint-Raphaël (sic) » il en aménagea un dans la salle en pente et au pavé de ciment du patronage du Missilien, classe à chaque bout et cuisine sur la scène. Mme Clech continua à prêter son local à l’école. A son retour de captivité, M. Kerbiriou réussit à obtenir un dortoir à Saint-Raphaël. En février 1942, au départ des quelques prisonniers français qui avaient remplacé les malades de l’hôpital, le directeur fit une démarche auprès d’une Kommandantur (mais pas la bonne) qui lui permit, mais verbalement, de revenir dans l’école.
Prison nazie…
Tout commençait à rentrer dans l’ordre, quand, en mars, les ouvriers d’une entreprise quimpéroise prirent possession de l’ensemble des locaux pour la transformer en prison. Toute la maison fut évacuée en hâte et livrée au pillage des ouvriers. Une nouvelle fois l’école dut se replier sur le Patro, l’école des sœurs, et les locaux de l’ancienne mairie (là où débute actuellement le boulevard des Frères Maillet). Elle devait y rester jusqu’en 1946.
En 1939, l’école servit d’hôpital complémentaire pour l’ Armée française, mais dès le Débâcle, les Allemands l’avaient réquisitionnée afin de la transformer en camp provisoire pour les prisonniers français, marocains et algériens pour la plupart. Puis en 1941-1942-1943, l’établissement servit de maison d’arrêt pour les soldats allemands. C’est ainsi qu’en septembre 1943, Radio-Londres annonça qu’un équipage de sous-marin allemand était détenu à Saint-Charles pour s’être mutiné et avoir refusé de prendre la mer.
A la fin de 1943, Saint Charles subit de profondes transformations qui lui donnèrent le visage sinistre qu’on lui connut jusqu’en 1946. Tout le bâtiment en fut modifié : les planchers en parquets furent remplacés par des planchers en béton, les classes, les dortoirs, les bureaux, transformés en cellules, les fenêtres murées.
Et c’est le 10 octobre 1943 qu’arrivèrent les premiers clients de la Prison Saint-Charles : 13 femmes venues de Mesgloaguen désormais insuffisante.
La prison servit à la FELDENGENDARMERIE et surtout à la GESTAPO (police politique) pour l’internement des résistants du Sud-Finistère. Pour ceux-ci, ce n’était qu’une étape avant le départ pour Rennes, Compiègne et l’Allemagne, quand ce n’était pas les landes de Plomelin ou les dunes de Penmarc’h (26 fusillés en avril 44) et Mousterlin (15 fusillés le 15 mai 44). Saint-Charles étant situé sur les collines où l’on accédait par un chemin étroit en haut du bourg, les Allemands ne pouvaient opérer leurs départs dans le secret, et bon nombre de Kerfeunteunois se souviennent encore des cars stationnant devant la venelle par laquelle descendaient les prisonniers, les fers aux pieds, attachés deux par deux.
Il est assez difficile d’évaluer le nombre de personnes à être passées par la prison Saint-Charles, car la Gestapo avait fait disparaitre les registres d’entrée avant son départ. D’après une évaluation de Mlle Jaouen, chargée par la Croix Rouge de ravitailler les prisonniers, il a sans doute été de 2000 à 3000, d’octobre 1943 à août 1944. Alain Le Grand, ancien résistant de la police, a recensé 350 prisonniers déportés, dont plus de la moitié n’est jamais revenu d’Allemagne. Lui-même y passa une nuit, à huit dans une cellule. C’était en juillet 1944 à la suite d’une rafle.
Dans la semaine de Pâques 1944, les maquisards attaquèrent la prison. Les liaisons téléphoniques ayant été coupées, et les gardiens rapidement maîtrisés, les résistants pénétrèrent dans la cour de la prison, mais n’ayant pas trouvé les clés, ils ne purent atteindre les cellules. Pendant ce temps, les renforts allemands arrivèrent du Likès et de Quimper et les attaquants durent quitter la place sans libérer personne.
Une évasion réussie…
Saint-Charles a également connu une évasion réussie en février 1944. Jean Pennec, dit Capo, marin-pêcheur et maquisard de Spézet, et Jean-Louis Derrien, de Plonevez du Faou, détenus dans une des cellules placées au dernier étage réussirent à percer le plafond, passant ainsi dans les combles et de là, par une lucarne, sur le toit. Ils descendirent ensuite le mur à l’aide d’une corde faite de lanières de couvertures. Malheureusement, la corde de fortune céda au bout de deux descentes et les autres prisonniers ne purent s’échapper.
Parmi les patriotes qui y furent emprisonnés, signalons le Frère Salaün, directeur du Likès et surtout les Abbés Tanguy, recteur et vicaire de Pont-aven qui avaient été arrêtés dans leur presbytère où deux aviateurs américains avaient trouvé refuge.
Enfin la libération…
A la veille de la libération, la situation des prisonniers devint intenable. Les Allemands avaient prévenu Mlle Jaouen qu’ils ne pouvaient plus nourrir les prisonniers. C’est donc une équipe de la Croix Rouge qui en assura le ravitaillement partant chaque matin à la campagne pour y chercher quelques provisions, qu’elle faisait cuire ensuite chez les Sœurs de Saint-Raphaël. Mais cela dura peu de temps, car le 8 août, au matin, les Allemands firent remettre les clefs à Mlle Jaouen avec ordre de n’ouvrir la prison qu’à 11h30. « Tout sautait aux alentours, déclare t-elle ; les Allemands n’étaient pas tous partis du Grand Séminaire, ni du Relais Téléphonique ; ils étaient chargés de faire sauter les munitions ; les éclats volaient de tous côtés et à certains moments nous avions l’impression que la prison allait sauter avec le reste…Notre clef nous a servi à ouvrir le portail d’arrivée, près des fils barbelés, mais à notre grand désespoir, elle ne pouvait servir pour la porte d’entrée… Nos hommes se sont décidés à enfoncer la porte : cela a été un peu long à cause de notre impatience et des éclats qui continuaient à voler. Enfin la porte a cédé. Mais dans les bureaux pas de clefs pour les cellules. Pendant ce temps des renforts arrivaient, d’autres hommes, des agents de police… après s’être procurés des barres de fer, peu à peu et péniblement, ceux-ci ont réussi à faire céder les portes. Certaines cellules renfermaient 15-20 détenus. Ils étaient absolument affamés. Mais des gens accouraient les mains chargées, chacun amenait ce qu’il pouvait trouver jusqu’à des œufs sur le plat. Dans toutes les cellules, les prisonniers chantaient. Quelles joie dans la cour pleine de monde, curieux et parents ! »
Toutefois les tribulations de l’école ne s’achevèrent pas avec la Libération, car les prisonniers français partis, on y entassa les collaborateurs et c’est seulement en 1945 que la prison fut remise au directeur, M. BESCOND pour servir à nouveau à l’enseignement. En juin 1943, MM. Kerbiriou et Paul avaient en effet quitté l’école pour le ministère. La direction fut confié à M. Bourhis, puis à M. Matthieu Moal qui assura l’intérim jusqu’en septembre 1945, date à laquelle M. Jean Bescond, précédemment professeur à Skol an Aod à Guissény, devint directeur. Comme la situation était la même qu’en 1943, une de ses premiers soins fut d’obtenir qu’on levât la réquisition sur les locaux de l’école. Car depuis la libération, les locaux servaient toujours de prison pour les collaborateurs ou de prétendus tels. Malheureusement, le secrétaire de la Préfecture prétexta de l’insuffisance de Mesgloagen pour maintenir Saint Charles comme prison. Toutes les démarches échouèrent. Ni le directeur,ni le Maire de Kerfeunteun, ni Monseigneur l’Evêque, n’obtinrent gain de cause et il fallut que M. Bescond aille jusqu’au bureau du Ministre de la Justice pour récupérer son école. Finalement, le 10 novembre 1945, la réquisition fut définitivement levée. Mais bien des mois furent nécessaires pour tout remettre en état, et ce n’est que le 4 novembre 1946, jour de la Saint Charles, que tous les élèves purent enfin rentrer dans leur école.
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